Il est 2h à l’horloge de la cuisine, les sacs sur le dos et enfourchés sur nos vélos, la journée débute. La nuit n’est en réalité que pénombre et le soleil a à coeur de se dévoiler pas à pas. Des masses noires en dentelle fine se dessinent dans les roseaux alors que les lacs sont encore endormis. Patience… Le spectacle va commencer. Dans une brume montante, les couleurs subliment les champs de la fraîche campagne suédoise. Des rayons éclatants accompagnent le ballet des vélos et des petites mains qui s’affairent sur la digue. Et le clou du spectacle se voit merveilleusement enchanté par le vol silencieux d’un hibou des marais, par le saut dans la lumière d’un chevreuil de passage, ou la douce note de musique des grues en vol au dessus de nos têtes.
Côté boulot
Pierre, ami de BTS d’Etienne, nous a rejoint à la station. Telles les hirondelles annoncent le printemps, sa venue annonce le début de la saison de baguage. Mais késako ?
Il s’agit de capturer des oiseaux, dans un milieu naturel donné, pour étudier leur migration (entre autre). Nous posons un métrage de filet à travers les roseaux que nous visitons toutes les 1/2h. Nous démaillons les oiseaux pris puis, précieusement transportés dans des pochons, nous les amenons à la table de baguage pour leur poser une petite bague en métal qui leur attribue un numéro (espèce, sexe, age, mesure d’aile et masse) avant de les relâcher. Ces mêmes oiseaux seront recapturés à d’autres endroits pour ainsi connaître leur évolution, leur déplacement et leur âge.
Nous avons commencé le 24 juin et aujourd’hui nous en sommes à 689 oiseaux capturés dont 41 espèces différentes. Parmi les plus belles, nous avons la panure à moustache, la pie grièche écorcheuse, mais aussi des espèces plus communes comme la pie, le merle, l’étourneau, rouge-gorge. Et parmi les plus surprenantes, bébés grue et faisan.
Lors de captures d’oiseaux déjà bagués, la surprise est totale quand nous voyons d’écrit « museum Paris » ou « museum Bruxelles ». Certains d’entre eux sont aussi très fidèles à leur site et il n’est pas rare d’avoir des bagues qui ont été posées il y a trois ans voir plus ! Comment sait on si un oiseau est un tout neuf de l’année ou un sage expérimenté ? Eh bien grâce à la mue de ses plumes et justement grâce à la date de pose des bagues enregistrées dans une base de données à compléter après chaque matinée.
En gros, nos journées commencent à 2h le matin pour tendre les filets, puis nous dormons en fin de matinée (de 10/12h à 16/17h) pour se réveiller l’après midi (base de donnée ou autres manip) avant de retourner au lit en soirée. Les doudounes, les écharpes, les gants et les bonnets sont toujours de sortie ! Pas de mois de juillet qui tienne, le thermomètre du matin affiche souvent en-dessous de 10°C et le vent du Nord souffle frais. Heureusement, l’après midi nous ressortons short et T-shirt pour apprécier les rayons de soleil.
D’autres programmes viennent compléter nos journées. A cette période de l’année, les oiseaux se reproduisent. Sur oeufs, en nourrissage des jeunes ou en vol familial, la roselière est vivante à toute heure.
Le vélo a été troqué de nombreuses fois pour d’autres moyens d’exploration… Le canoë pour tenter de progresser parmi la végétation à la recherche de nid de busards des roseaux ; une corde d’escalade pour grimper aux arbres (pas nous hein ! un pro cette fois) et atteindre les nids de balbuzards pêcheurs ; une paire de bottes rallongées pour capturer les poussins de mouettes pygmées à l’épuisette (ça change des grenouilles). Complètement fou direz vous ? Pas tout à fait. Ces expéditions orientées sur les poussins servent à connaître la fidélité au site de reproduction ou leur dispersion en Suède.
Pas le temps de s’ennuyer et le sommeil se fait rarement attendre…
Côté perso
Le baguage est l’occasion de rencontrer de nouvelles têtes. La maison se vide et se remplie de semaine en semaine. Pour la première, Filip un suédois de 19 ans nous a rejoint. Cette semaine c’est Eleonor, une étudiante de l’université, qui vient pour mesurer l’intensité des couleurs dans le plumage des adultes pour son étude de master. Nous seront jusqu’à 7 dans notre équipe.
Même avec ce rythme décalé, nous arrivons à passer du temps avec l’autre team ACRARU du nom de leur programme. La coupe du monde a ouvert les paris et la cuisine va toujours bon train ! Un gâteau lorsque l’équipe supportée gagne… Tunisie pour Etienne, Suisse pour Mélanie et France pour Pierre. Heureusement qu’on fait du vélo ! Le jardin pousse tranquillement et les salades continuent d’embellir nos pique-niques improvisés le soir au bord du lac.
Bref, tout va bien là-haut.
PS. Encore et toujours merci à ceux qui nous envoient leurs petits trésors par la poste ! On pense très fort à vous, et merci de continuer à nous lire et à nous suivre.